C’est ce qui a motivé la société Doyoubuzz, une start-up nantaise, qui a entreprise depuis 6 mois d’opérer un reboot complet. Résultats : plus d’horaires et du télétravail permanent. Pour aller encore plus loin dans l’expérimentation, l’un des développeurs de Doyoubuzz est même parti pendant 3 semaines travailler à distance sur une île paradisiaque. Retour sur cette expérience.

« Pourquoi travailler dans la grisaille alors qu’on peut le faire depuis une plage sous le soleil ? » voilà comment Thomas Belin, 27 ans, résume le projet Hackerbeach auquel il a participé en janvier dernier. Ce développeur front end, qui travaille chez Doyoubuzz depuis 3 ans, a passé 3 semaines en République dominicaine pas pour les vacances mais pour bien pour le boulot. C’était la destination choisie cette année pour les développeurs qui voulaient travailler autrement. Après le Vietnam lors de la première édition et le Kenya l’an dernier, une vingtaine de développeurs de 12 pays différents avaient rendez-vous en Dominique en début d’année.
Il faut dire que le concept de Hackerbeach a de quoi séduire les développeurs. « C’est un rassemblement assez informel entre développeurs volontaires qui veulent se retrouver et rester une semaine ou un mois » raconte Thomas. « Je suis parti 3 semaines avec des amis. Le but était de rencontrer du monde tout en étant dans un cadre de travail sympa ».
Une expérimentation de travailleur nomade qu’il a raconté dans un « petit guide du travailleur-voyageur ». Pour se fixer un cadre, Thomas avait tout même établi à l’avance un planning qu’il n’a pas du tout respecté une fois sur place. « Aucune journée ne ressemble à l’autre, on prend la liberté d’aller faire un tour quand le boulot n’avance plus » explique le vacancier-travailleur. Une nouvelle routine à inventer chaque jour à condition de se libérer du sentiment de culpabilité.
Libéré, délivré… du sentiment de culpabilité
« La première semaine quand j’éteignais mon ordinateur pour aller me baigner ou faire autre chose que bosser, j’avais tendance à culpabiliser alors que j’avais du travail en cours » se souvient Thomas.« Mais au fur et à mesure, j’ai trouvé un rythme différent et je me suis rendu compte que lorsque je revenais me mettre au travail j’étais vraiment plus productif. Dès que je sentais que je n’avançais plus je sortais me balader ou faire autre chose ».
Vivre l’aventure hackerbeach suppose cependant d’avoir l’accord de son employeur. L’expérience correspondait parfaitement à une démarche d’entreprise libérée dans laquelle Doyoubuzz s’était engagée depuis plusieurs mois en remettant en question son fonctionnement interne.
« Le point de départ c’est un reboot technique qui s’est accompagné d’un reboot organisationnel » raconte Ludovic Simon, le fondateur de Doyoubuzz. « C’était le moment, Doyoubuzz existait depuis 7 ans, nous avions atteint une certaine maturité mais nous n’appliquions pas notre agilité technique dans le management ». La petite équipe nantaise de 7 personnes s’est alors inspirée de l’holacratie, de l’entreprise libérée et des méthodes de Googlepour explorer d’autres voies. « On a fait un peu notre marché dans ces différentes pratiques pour être plus transparents et réactifs » explique le CEO de la start-up.
Travailler où on veut, quand on veut
Le premier grand changement a été d’opter pour le télétravail et de suivre l’équation de base de l’entreprise libérée : liberté + responsabilité = bonheur + performance. Ce qui s’est traduit chez Doyoubuzz par le fait que les employés travaillent d’où ils veulent et quand ils veulent. Plus de bureaux, c’est télétravail à volonté. Alors quand l’opportunité de tester Hackerbeach s’est présentée, Thomas le développeur a évidemment eu la bénédiction de son boss, ou plutôt de son « leader nourricier ». Le terme employé dans les entreprises libérées pour désigner le PDG. « A partir du moment où on fait confiance aux gens, qu’ils sont motivés et se comprennent bien, il n’y a pas de raison que ça pose problème » affirme Ludovic Simon.
« Travailler de n’importe où, ça peut marcher. Il suffit d’expérimenter »
L’expérience Hackerbeach a d’ailleurs été enrichissante même pour ceux qui sont restés de l’autre côté de l’Atlantique sous la pluie nantaise. « C’est positif de pouvoir se prouver qu’on peut travailler de n’importe où, ça peut marcher. Il suffit d’expérimenter » lance Thomas. « Il n’y avait aucun frein du côté de mes collègues, c’est une chance ».
Tout serait donc une question d’organisation pour travailler à distance, peu importe le nombre de kilomètres qui vous séparent de vos collègues.
Nomade un jour, nomade toujours

« Ce qui est difficile c’est de se synchroniser avec le reste de l’équipe, surtout en cas de décalage horaire. Au bout de 3 semaine j’étais content de les voir en vrai car c’est parfois difficile de faire passer des choses importantes uniquement par mail, ça peut générer des malentendus quand on est à distance » reconnaît le développeur qui s’est aussi libéré de certaines contraintes techniques. « Avant de partir j’aimais travailler avec un clavier et une souris, un deuxième écran, là-bas je m’en suis très bien passé. Du coup, je suis resté nomade, je me balade et je n’ai plus de poste de travail fixe. Je trouve ça agréable. Même si maintenant que je suis rentré dans la grisaille, je suis moins tenté d’aller dehors. ».
Doyoubuzz avait déjà adopté des outils pour permettre à ses employés de travailler en télétravail. Des méthodes simples pour être encore plus productif en télétravaillant : « nous avons mis en place une base de connaissances », détaille Ludovic pour qui « c’est important de ne pas faire trop de réunions orales, d’avoir des outils de communication internes en mode asynchrone pour ne pas trop perdre en communication interne ».
Etre une entreprise libérée, tu sais c’est pas si facile…
Pour autant, se transformer en une entreprise libérée n’est pas si facile. « Nous avons tous des résistances face au changement. C’est difficile de sortir de sa zone de confort. En tant que start-up nous sommes habitués à remettre en cause les modèles pour en adopter d’autres, à expérimenter, ou accepter de se tromper… Mais c’est toujours plus facile à dire qu’à faire, sans parler des freins liés à l’ego » avoue Ludovic qui s’est libéré d’une partie de son rôle de patron.« J’ai un peu remis en cause mon rôle de CEO dans la boite. Je me suis rendu compte que j’avais des archaïsmes. Il fallait horizontaliser l’entreprise ». Son rôle est maintenant différent et il a pu s’alléger d’une certaine pression. « Dans une entreprise libérée, il y a une co-responsabilité pour détecter et régler les problèmes, c’est libérateur pour le boss et très responsabilisant pour les salariés » résume Ludovic.
Mais libérer une entreprise ne se fait pas du jour au lendemain. Et c’est plus facile dans une petite structure, même si le système est applicable aux grands groupes. « La taille importe peu, ça marche partout d’après les témoignages que j’ai lus. En revanche c’est vrai que c’est plus facile de switcher quand on est 7 » témoigne Ludovic Simon. « Si vous avez plusieurs milliers d’employés et que vous supprimez du jour au lendemain les postes de contrôleurs, de contremaîtres, il faut pouvoir dire au middle management ‘maintenant vous revenez dans l’opérationnel et le manager n’a plus de place établie’… Certains seront prêts à l’entendre, à accepter le système de cooptation des nouveaux leaders, qui changent régulièrement, d’autres non».
« Libérer l’entreprise c’est un chemin qui prend du temps » admet le fondateur de Doyoubuzz qui veut aller plus loin dans la démarche. Les prochaines étapes ? De l’autoévaluation selon la méthode OKR de Google, ou même des congés illimités… tout est possible.