Les grands groupes font bénéficier des start-up de leurs expertises. L’objectif est double : accélérer leur développement, et rester au contact des innovations les plus prometteuses.
C’est le moment de vérité appréhendé par les créateurs de start-up, quand il leur faut démontrer que, au-delà de la bonne idée, du produit ou du service innovant, il existe un business rentable. Une étape très consommatrice en cash. Parfois fatale. Pour les aider à franchir ce cap, l’équipementier automobile EFI Automotive (190 millions d’euros de chiffre d’affaires) a créé cet automne Axandus, un « catalyseur qui vise à doper la croissance de start-up et d’entreprise en développement et faciliter leur entrée sur le marché » en mettant à leur disposition les moyens d’essai, de contrôle, de production du groupe et des experts en ressources humaines, marketing et financement. Cet accélérateur industriel accompagne des start-up qui ont fait la preuve de leur concept, des sociétés en amont de leur première levée de fonds, parmi lesquelles Ad-Venta, concepteur et fabricant de piles à combustible dans la Drôme, et Primo1D, qui développe des puces RFID intégrées dans des textiles pour assurer la traçabilité et lutter contre les contrefaçons et les vols. Axandus est très attentif à la sélection des projets qu’il accompagne. Sept ont été abandonnés faute d’atomes crochus avec les dirigeants ou de projets assez matures. Sur la dizaine de projets soutenus, un a fait l’objet d’une coentreprise, trois sont en phase d’accélération.
Incubateur dédié
D’autres groupes privés ont fait le choix de lancer leur propre incubateur ou leur programme d’accompagnement de start-up dans leur sphère d’activités, l’énergie pour Engie, les médias et les nouvelles technologies pour Canal+, le numérique pour Outscale. Engie fait équipe avec l’agence de développement économique Paris & Co et cible les produits, services et technologies centrés sur l’amélioration énergétique des villes. Cinq start-up ont été sélectionnées pour bénéficier du coaching des experts du groupe, dont Start Impulse à l’origine d’une nouvelle génération de compteurs communicants testés déjà dans près de 50 sites. Canalstart ouvre, lui, les infrastructures et les bases de données de Canal+ à des start-up comme Wildmoka, spécialisé dans la conception de services télévisuels enrichis ou Showbox.com, site de production de vidéos collaboratives. Et Outscale vient de lancer un premier appel à candidatures dans l’Internet des objets, le Big Data, l’apprentissage automatique. Quatre jeunes pousses seront retenues pour une accélération de trois mois.
Pour Michel Coster, pionnier des incubateurs académiques à EM Lyon, la création d’incubateur par des groupes et ETI est un « phénomène qui s’amplifie ». Il participe d’une certaine forme d’« open innovation ». « Chez Renault, deux tiers de l’innovation sont réalisés en dehors du groupe », observe le professeur en entrepreneuriat, le constructeur automobile s’étant associé avec l’incubateur de Paris & Co pour des projets de R & D. « Les ETI y viennent aussi très vite. C’est un mouvement de fond qui permet d’améliorer leur image auprès de la génération des « digital natives » », note Michel Coster. Mais attention à certains incubateurs trompe-l’oeil, comme ceux de Google et Microsoft, qui sont en fait de « simples outils commerciaux » et à une ouverture qui « reste souvent anecdotique dans certaines grandes boîtes », prévient-il.
Accompagnement itératif
Ce mouvement gagne aussi de plus petites entreprises, comme Sogilis à Grenoble. Son fondateur, Christophe Baillon, qui a réussi en moins de sept ans à s’imposer sur le créneau des logiciels embarqués critiques pour des clients comme Thales Avionics et Airbus, a créé en décembre 2013 Startup Maker, une structure de « lean investment » qui propose un accompagnement itératif auprès de start-up. A chaque étape, le fonds se réserve le droit d’arrêter son soutien si la start-up n’a pas réussi à identifier de clientèle dans les trois premiers mois, à générer de chiffre d’affaires dans les six mois suivants, à boucler un premier tour de table au bout de douze mois. Un processus itératif qui permet, selon Christophe Baillon, de « gaspiller moins de capital ». Et de ne pas bercer d’illusions certains porteurs de projet.