Aujourd’hui, le Mexique: son 19e marché! L’entreprise française, leader mondial du covoiturage de longue distance, nourrit son expansion par des levées de fonds régulières. Retour sur l’extension du domaine de la marque.

Ça l’amuse: «Lorsque j’ai investi en 2010 dans BlaBlaCar, qui s’appelait à l’époque Covoiturage.fr, des confrères m’ont écrit “tu fais des deals baba cools”, raconte Jean-David Chamboredon, président du fonds ISAI. Ils y voyaient une sorte d’auto-stop numérique pour des gens avec des bandeaux dans les cheveux!».
Cinq ans plus tard, beaucoup d’investisseurs aimeraient avoir eu son flair. La dernière levée de fonds de 73 millions d’euros, en juillet, laisse penser que la start-up vaudra bientôt 1 milliard d’euros. D’autant que BlaBlaCar, leader mondial du covoiturage de longue distance, a racheté mi-avril son seul véritable concurrent européen, l’allemand Carpooling, pour atteindre 20 millions de membres.
Pourquoi le Mexique?
Aujourd’hui, le site a annoncé qu’il se lançait au Mexique, son 19e marché et le 1er en Amérique. Une implantation surprenante? Pas vraiment. La suppression des subventions à l’essence en 2010 y a fait grimper les prix à la pompe de 72% en 5 ans. De surcroît, le Mexique manque d’infrastructures ferroviaires pour relier ses 14 villes de plus d’1 million d’habitants. Le potentiel était là. Il a suffi à BlaBlaCar de mettre la main sur un acteur local, la start-up Rides, via une stratégie d’acquisition déjà éprouvée dans plusieurs pays, pour s’implanter.
BlaBlaCar fonctionne comme une place de marché, où se rencontrent l’offre (les conducteurs qui ont des places libres) et la demande (les passagers non motorisés qui cherchent une place). Le conducteur fixe son prix. Le vendredi soir, sur des liaisons comme Paris-Lille, on trouve une centaine de propositions à partir de 14 euros auxquels il faut ajouter une commission de 11,88% ainsi que 1,07 euro. C’est 3 fois moins cher que la SNCF au même moment. Après le trajet, les membres se notent, comme sur Airbnb ou PriceMinister.
Trois pilotes dans l’affaire
Cette success story, c’est d’abord celle de Frédéric Mazzella, 39 ans, normalien de formation. Il a eu l’idée de BlaBlaCar en décembre 2003, alors qu’il devait rejoindre sa famille pour Noël en Vendée et que les trains étaient complets. En 2004, il entreprend de coder le site. Troisans plus tard, Francis Nappez, directeur technique, et Nicolas Brusson, directeur de l’exploitation, deviennent ses associés.
«Ce qui a fait le succès de BlaBlaCar, c’est la détermination des dirigeants, salue Olivier Demaegdt, président d’IDVROOM, le site de covoiturage de la SNCF. Ils ont cherché avant tout à recruter leur communauté, tout en essayant plusieurs modèles économiques.»
Il y en aura 4, tous infructueux, jusqu’à la rencontre avec ISAI en 2009. «Avec Pierre Kosciusko-Morizet, on a dit à Frédéric: “le modèle de PriceMinister s’applique parfaitement à ton activité”», raconte Chamboredon, le président du fonds.Celui d’une market place qui sécurise la transaction entre les 2 particuliers.
En 2013, BlaBlaCar instaure la réservation en ligne avec commission. Jusqu’alors le paiement se faisait de la main à la main. En imposant aux passagers de réserver leur trajet, sous peine de conserver des frais de service, la start-up fait chuter le taux d’annulation, hantise des conducteurs, de 35 à 3%!
Pas de problème de carburant
Des levées de fonds régulières (voir graphique) ont alimenté la croissance exponentielle du site, et contribué à l’amélioration du produit, du recrutement, et surtout, de l’internationalisation, via la marque BlaBlaCar adoptée en 2013. Des augmentations de capital nécessaires, car en dehors de la France et l’Espagne, le service reste gratuit afin de construire rapidement une communauté d’utilisateurs.
A ce jour, BlaBlaCar, qui ne communique pas son chiffre d’affaires, ne dégage toujours pas de bénéfice. Mais avec 290 salariés, ce n’est plus une jeune pousse. En mars, elle a signé un partenariat avec Vinci: sur les autoroutes, des parkings et des péages seront bientôt réservés aux membres de BlaBlaCar.
Son leadership est incontesté et sa masse d’utilisateurs crée une barrière difficile à franchir pour de nouveaux entrants. Les quelques concurrents ne jouent pas dans la même cour: le service de covoiturage de la SNCF, IDVROOM, s’est positionné sur les courts trajets. Et Tripda, la start-up lancée par Rocket Internet, incubateur spécialiste de la reproduction des business models fructueux, «est très récente. On regarde si elle grandit ou pas, mais c’est tout », minimise Frédéric Mazzella. Tout en traçant sa route.