Souvent démuni lorsqu’il doit réaliser son étude de marché, le créateur d’entreprise est pourtant dans l’obligation de la constituer de façon complète et convaincante s’il souhaite concrétiser son projet. Si les entrepreneurs éludent souvent cette étape, cela s’explique par leur difficulté à structurer leur propos. Identifier les objectifs de ce document, sa teneur et les conditions effectives permettant sa réalisation est indispensable.

« L’étude de marché a pour objectif de cerner avec précision l’organisation du secteur économique au sein duquel la nouvelle entreprise va s’insérer et la place qu’elle [compte y prendre] », d’après la définition du « Guide du routard du créateur et du repreneur d’entreprise ». En d’autres termes, l’entrepreneur doit analyser l’état du marché dans lequel il souhaite implanter son entreprise et estimer la part qu’il pourra capter. Document clé du business plan, l’étude s’articule autour de différents critères d’analyse : produits vendus, zone de chalandise potentielle ou encore recensement de la concurrence. Dans le cas d’une implantation en franchise, « la loi Doubinoblige toute tête de réseau à délivrer une information précontractuelle, comprise au sein du DIP, où est détaillé l’état local », indique Charlotte Boisson, directrice du développement à l’agence de géomarketing Territoires et Marketing. « Il s’agit d’une photographie à date d’un certain nombre d’indicateurs sur la zone : concurrence, profil démographique des salariés, des résidents, du développement… Bref tout ce qui peut être facteur d’attractivité. Mais ce n’est pas une analyse du projet au sein de cette zone. Lefranchiseur peut néanmoins indiquer au candidat le process d’une étude de marché dans le DIP. » A la lumière de ces premières données, tout le travail restant à effectuer incombe au franchisé. Mesurer la part de marché à atteindre, définir les leviers à actionner, les moyens à déployer,… Autant de prérequis nécessaires à la construction de l’étude. Cette tâche s’avère en définitive plus fastidieuse que complexe, tant elle requiert davantage de bon sens que de connaissances pointues en économie.
Règle n°1 : S’appuyer sur des chiffres
De façon générale, les sacro-saints chiffres tiennent évidemment une place à part entière dans l’étude de marché. Tant en quantité qu’en qualité, ils permettent une approche plus pragmatique de la réalité du terrain et de se plonger dans la dimension la plus concrète du projet. La solidité du document sera d’ailleurs décisive au moment de convaincre les futurs partenaires de l’entreprise comme les organismes financiers et les fournisseurs. Il est donc primordial de mettre en avant le travail abattu et les démarches effectuées pour l’établir auprès des différents interlocuteurs et ainsi les persuader de la solidité du projet.
Règle n°2 : Définir l’offre
Quatre étapes sont nécessaires à cette tâche. Tout d’abord, il s’agit d’établir une liste exhaustive énumérant les produits ou services qui seront au cœur du commerce. Ensuite, il faut rechercher les produits analogues existants sur le marché. Pour cela, étudier les différents leviers de communication employés par les enseignes rivales : catalogues papier et web, se déplacer sur les salons spécialisés quand cela est possible, encarts publicitaires dans la presse locale et spécialisée notamment, etc. Puis, déterminer lesbesoins réels de la demande, aussi bien ceux auxquels le marché répond que ceux auxquels la réponse demeure partielle. Surtout, se poser la question « Y a-t-il de la place pour un nouvel acteur ? ». Enfin, calculer un premier seuil de rentabilité en envisageant une politique tarifaire en accord avec les conditions d’exploitation et l’exigence de rentabilité du projet. La conjoncture économique du secteur apparaît à plus d’un titre comme un axe d’analyse incontournable.
Règle n°3 : Cibler et évaluer la clientèle potentielle
Cette phase s’articule également autour de quatre mouvements. Dans un premier temps, identifier dans le détail le cœur de cible. Plus la précision sera de rigueur, plus l’étude de marché sera pertinente. Ne pas hésiter à examiner la démographie de la zone de chalandise : âge, catégorie socio-professionnelle, sexe, etc. Dans un deuxième temps vient le moment del’examen des attentes de la clientèle, c’est-à-dire « quel marché est encore inexploité ou sous-exploité ? ». Dans cette perspective, une approche directe doit être privilégiée : campagne e-mailing, rencontres avec des acteurs locaux, interviews (d’où l’importance de bien connaître sa zone d’implantation et de disposer d’un certain carnet d’adresses). Dans un troisième temps, évaluer la taille de la zone de chalandise et la clientèle cible. « De nombreux organismes disposent de données chiffrées pouvant renseigner le porteur de projet, rappelle Charlotte Boisson. Les Chambres de commerce et d’industrie ou les chambres de métiers ont des interlocuteurs qui peuvent fournir des documents d’étude. » En dernier ressort, l’entrepreneur devra apprécier le taux de pénétration* qu’il ambitionne.
Règle n°4 : Analyser la concurrence
Qui dit implantation dit concurrence. De fait, les futurs concurrents se positionnent soit sur le même segment de marché, soit sur un segment complémentaire en rapport direct avec l’activité de l’entreprise en puissance. Il s’agit donc de recenser les différents acteurs présents dans la même zone géographique et d’évaluer leur poids. Une tâche à géométrie variable puisque la zone de chalandise diffère selon le secteur à implanter. « Travailler dans la restauration rapide où le marché est défini par un périmètre restreint (la clientèle doit se situer à 5 minutes à pied) et dans une agence de services à la personne, où le client ne se rend qu’une seule fois, ne répond pas à la même problématique d’emplacement », signale Charlotte Boisson. Dans cette optique, consulter les annuaires généraux ou spécialisés puis se rendre dans des organismes consulaires, qui tiennent à jour des documents détaillés sur les entreprises inscrites dans leurs registres, est conseillé. S’établir près d’une enseigne locomotive peut aussi se révéler intéressant, notamment en termes de trafic.
« Si il y avait une règle d’or dans la réalisation d’une étude de marché, c’est qu’on ne peut pas étudier un projet sans se déplacer sur site. Cela représente 50 % du travail », tranche la spécialiste en géomarkting. Il ne faut donc pas oublier cette composante. Enfin, tout entrepreneur en franchise doit obtenir les comptes des acteurs en présence. Le candidat peut retrouver certaines données sur le site société.com mais avant tout dans les greffes de tribunaux de commerce. Toute entreprise a en effet obligation de transmettre ses comptes aux pouvoirs publics. Ces documents sont communiqués à tout anonyme qui en fait la demande, moyennant une somme minime.
*Taux de pénétration : rapport entre le nombre d’utilisateurs d’un produit et la population cible tout entière.