Les professionnels de l’accompagnement, du droit et du chiffre, ne sont pas les plus déterminants dans la réussite entrepreneuriale : c’est l’étonnant résultat de notre petite enquête auprès de jeunes dirigeants d’entreprise.
Les professionnels de l’accompagnement à la création d’entreprise le martèlent depuis des années : rien ne serait plus indispensable au jeune chef d’entreprise qu’un bon expert-comptable, un conseil juridique compétent ou toute autre profession du droit ou du chiffre. S’ils ne méprisent pas ces hommes de l’art (bien au contraire !), les principaux intéressés ne les incluent pas dans le cercle des personnes qui leur sont vraiment indispensables. Plus que les compétences techniques, ce sont les qualités humaines et les marques de confiance qui les portent et qui comptent aux yeux des entrepreneurs. Voici donc les 6 personnes vraiment indispensables aux entrepreneurs, telles qu’ils nous les ont spontanément citées, par ordre d’importance.
#1 Le conjoint
C’est un cri du cœur : pratiquement tous les entrepreneurs estiment que la personne la plus indispensable est leur moitié.« Impossible de se lancer sans son accord et son soutien, »lance Edouard Gorioux, associé fondateur de Clickandboat.com, une plateforme communautaire d’échange de bateaux entre particuliers. « Je suis convaincu qu’une tentative de création d’entreprise sans ce soutien se solderait par un échec. Monter sa boite, c’est faire des sacrifices : volume horaire très important, peu ou pas de vacances, pouvoir d’achat en baisse, travail le weekend. Mon épouse et celle de mon associé Jérémy nous soutiennent activement depuis le début. C’est une énorme force. » En l’absence d’un conjoint, le précieux soutien peut provenir du cercle familial proche : enfants, parents (surtout dans le cas de jeunes entrepreneurs), amis … « Je m’entoure de proches qui n’ont pas un intérêt direct dans le projet et qui savent me comprendre, adhérer, me soutenir, ou au contraire me recadrer, me contredire », explique Jean-Cyrille Georges Fondateur d’Aux-concours.com, une TPE de trois personnes proposant des aides à la préparation de concours.
#2 Le banquier
Le deuxième personnage le plus important aux yeux des entrepreneurs, à la quasi-unanimité, est … le banquier ! « Je ne l’aurais vraiment pas cru au début, mais mon allié le plus précieux a été mon banquier ! Beaucoup plus que le comptable ou l’expert-comptable, » assure Jean-Cyrille Georges. « Ma société a connu des hauts et des bas, et jusqu’à présent, j’ai toujours trouvé une oreille attentive à la banque, et du soutien quand ça n’allait pas. Pourtant, je me suis lancé sans beaucoup de ressources. » Même sentiment du côté d’Antoine Colson, cofondateur de Parcours France, une société d’événementiel et d’expertise en dynamiques régionales. « Au moment où nous nous sommes lancés, nous avons obtenu un prêt à la création d’entreprise, à partir de rien d’autre … qu’une idée et un PowerPoint ! », s’étonne-t-il encore. « Le fait qu’on nous témoigne une telle confiance nous a mis la pression et nous a donné envie de réussir.»Tout partenaire financier, qui prête et apporte ainsi sa confiance au projet, endosse ce rôle du « banquier » bienveillant. « Nous avons été accompagnés par France Initiative et Pôle emploi via le Nacre, pour des prêts à taux 0,»retrace ainsi Yolaine Drouilly, présidente de Maison de Garniac, une société de négoce de truffes noires d’origine française.
#3 Le premier client
« Il nous a appelé, alors que notre site n’était même pas encore en ligne, » se souvient, ému, Nicolas Bertrand, cofondateur de Mon Maître Carré, une plateforme sur internet de mise en relation de particuliers avec des décorateurs et architectes d’intérieur. « J’ai cru au canular d’un ami ! Depuis ce jour, il y a presque un an, nous sommes restés en contact avec lui. Nous lui sommes reconnaissants de tout ce qu’il nous a apporté : sa confiance, et ses conseils sur les points à améliorer. » Antoine Colson, pour sa part, n’a pas levé de fonds pour créer son entreprise. Il ne s’est appuyé que sur ses quelques économies. « Mon premier client, c’était un peu pour moi un Kickstarter avant l’heure ! C’est lui qui m’a permis de démarrer. Je me souviendrai toujours du premier chèque : il dépassait ma mise initiale ! »
#4 L’alter ego complémentaire
L’entrepreneuriat, c’est le règne de la polyvalence. Mais qui peut prétendre tout faire ? Le bon entrepreneur a donc le réflexe de s’entourer. Chacun cite une personne précieuse, qui détient un savoir-faire, une compétence ou une expertise qu’il n’a pas. « Cette personne est, selon l’activité développée, « ce que je ne suis pas », détaille Thierry du Parc Locmaria, conseil en stratégie de développement des professions industrielles. « Ce peut être un technicien pour un entrepreneur très compétent en marketing, ou l’inverse. Pensez au célèbre tandem Steve Jobs – Steve Wosniak ! »Cet « alter ego », complémentaire et indispensable est le plus souvent un collaborateur direct, l’associé par exemple (voir l’encadré ci-dessous), mais il peut aussi être extérieur à l’entreprise, voire à la sphère professionnelle directe. Yolaine Drouilly s’est ainsi méthodiquement entourée des compétences qui lui manquaient. « Dès sa création, notre société s’est dotée d’un conseil d’experts, composé de quatre membres aux compétences complémentaires : finances, « coût d’acquisition client », expertises dans notre domaine d’activité…»
La plupart des entrepreneurs citent spontanément une figure quasi paternelle, douée d’expérience, qui les accompagne depuis longtemps dans l’aventure. « Nous avons la chance d’être soutenus et conseillés depuis le début par de vieux mentors, d’anciens combattants du business, » raconte Antoine Colson. « Leurs conseils – désintéressés – n’ont pas pris une ride. Nous apprenons à travers leurs erreurs passées et leurs réflexes, a mieux maîtriser les méandres de cette vie pas toujours facile. » A défaut d’un véritable mentor, un conseiller plus classique – tel que l’avocat ou l’expert-comptable- peut véritablement guider l’entrepreneur et le remettre dans le droit chemin lorsqu’il s’égare, à condition toutefois qu’il aille au-delà du simple conseil technique. « Le diable se cache dans les détails, et ces détails-là, l’entrepreneur, pris dans la dynamique de son enthousiasme, passe bien souvent par-dessus, » rappelle Thierry du Parc Locmaria.
#6 Le premier employé
Recruter son premier salarié, c’est poser la deuxième pierre de l’édifice. « Quelle satisfaction lorsqu’on signe le premier contrat de travail ! » décrit Edouard Gorioux. « Cette personne va être indispensable au développement de la start-up, car elle va grandir avec elle. En cas de succès, elle va devoir encadrer d’autres collaborateurs et transmettre les valeurs de l’entreprise aux nouveaux arrivants. Ne vous trompez pas en la recrutant ! »
On peut faire sans, mais c’est tellement mieux avec ! Quand les associés de longue date racontent leur histoire, ça ressemble à de l’amitié. « J’ai trouvé mon associé avant même de savoir exactement ce que nous allions faire, » raconte ainsi Antoine Colson, cofondateur de Parcours France. « On a brainstormé, partagé nos envies, nos idées … Si je créais quelque chose demain, ce serait sans aucun doute avec lui ! Nous avons d’ailleurs de nouveaux projets en permanence. » Yolaine Drouilly, présidente de Maison de Garniac, a, elle, choisi son conjoint comme associé. «Nous avons créé notre société ensemble et nous portons le projet ensemble. » En traversant côte à côte les bons moments mais aussi les plus durs, le mental d’un entrepreneur s’en trouve renforcé. « Dans la partie basse de l’activité – par exemple le no man’s land qui suit l’euphorie du lancement-, se souvient Nicolas Bertrand, cofondateur Mon Maître Carré, j’ai été particulièrement heureux d’avoir des associés. Nous nous rassurions mutuellement.» Pourtant l’alchimie ne fonctionne pas toujours. Moins de 20% des entreprises créées en France comptent plusieurs associés. « Entreprendre est plus facile à plusieurs, à condition de regarder dans la même direction, » estime Benoît Ducrest, chef de projet du dispositif d’aide à la création d’entreprise Lyon Start Up. « Trouver la bonne personne n’est pas une mince affaire, » estime Edouard Gorioux, associé fondateur de Clickandboat.com. Se tromper d’associé, en effet, peut être lourd de conséquences. « Ne vous lancez pas avant d’être certain d’avoir trouvé la bonne personne et entretenez cette relation de manière privilégiée »,conseille Benoît Ducrest. « Une bonne entente est le moteur de l’aventure entrepreneuriale. »