Bruyants, intrusifs, froids… Les bureaux ouverts sont loin de faire l’unanimité au sein des entreprises. Un nouveau concept pourrait bien leur donner un second souffle.

Bruyant, intrusif, froid… L’open-space catalyse souvent les mécontentements concernant la qualité de vie au travail. Selon une enquête Actineo/CSA de 2014 , seulement 67% des Français disposant d’un bureau « paysager » seraient ainsi satisfaits de leur espace de travail, contre 88% de ceux occupant un bureau individuel.
Pour autant, pas question pour Jérôme Malet – président de la société Quadrilatère spécialisée dans l’agencement d’espaces professionnels – de renoncer aux espaces ouverts, favorisant une meilleure circulation de l’information et un aplanissement des structures hiérarchiques.
Aux contradictions de l’open-space, l’agence répond par le concept du « multi-space »: un environnement toujours ouvert mais au sein duquel se distinguent de multiples espaces de travail.
Pas de révolution ici mais des évolutions simples et concrètes permettant de repenser l’aménagement de nos bureaux afin de donner un nouveau souffle à l’open-space.
- Des espaces fonctionnels pour lutter contre le bruit
En tête de la liste des doléances à l’encontre des bureaux ouverts: les nuisances sonores. Comment parvenir à se concentrer dans un espace où votre voisin de droite passe dix appels par heure, celui de gauche grignote sans cesse bruyamment et celui d’en face débat constamment à voix haute avec tous les collaborateurs ?
L’attention que portent les employés à leur travail est un enjeu majeur pour la productivité des entreprises et ce d’autant plus que la génération Y – qui représentera d’ici 10 ans 75% de la population active – semble plus sensible aux distractions du fait de sa tendance à « zapper » entre les différentes activités (selon une étude publiée en 2009 par l’Université de Stanford).
Pour mettre un terme à cette confusion, Quadrilatère préconise un aménagement plus fonctionnel. La taille du bureau individuel est légèrement réduite au profit d’une myriade d’espaces dédiés à des activités bien précises. Dans les nouveaux locaux français de la multinationale Mondelez, inaugurés par l’agence en août dernier, des activités comme se réunir, boire un café, se détendre, écouter de la musique ou encore lire un rapport au calme, se réalisent toutes dans des espaces dédiés, isolés les uns des autres. « Nos collaborateurs peuvent désormais choisir l’espace de travail qui sera le plus adapté à leur activité du moment, pour un meilleur confort de travail », se félicite Camille Bouchard, responsable de la qualité de vie au travail au siège de l’entreprise.
L’agence Quadrilatère a également fait le choix d’augmenter considérablement le nombre de « salles » de réunion. « Ces espaces ont été multipliés par trois par rapport à nos anciens locaux », explique Paul Choppin de Janvry, directeur de la communication de l’entreprise d’e-commerce Groupon, qui expérimente ce nouvel aménagement depuis juin.
- Une diversification des pôles d’activité pour mettre un terme à l’immobilité
« C’est simple, l’open-space traditionnel s’organise autours de deux espaces: le bureau individuel et la salle de réunion. En dehors des va-et-vient entre ces deux lieux, les employés ne se déplacent presque pas », note Jérôme Malet, pour qui le modèle actuel de l’open-space manque de dynamisme
Multiplier les espaces de travail est ainsi un moyen de rompre avec cette bipolarité, pour favoriser les interactions. « Il nous a semblé que l’évolution de nos modes de travail ne se satisfaisait plus d’un open-space traditionnel. Les activités des collaborateurs évoluent au cours de la journée et il n’était plus possible de mener à bien toutes ces activités en restant à son poste de travail », se remémore Camille Bouchard.
Second point fort, les employés ne restent plus statiques devant leur poste pendant des durées trop prolongées, ce qui agit favorablement sur leur performance.
Divers aménagements ont même été pensés afin de faire varier le plus possible la posture des employés dans les salles de réunion. Chez Groupon, on peut par exemple choisir de se retrouver dans une salle « debout », pour une réunion rapide, durant laquelle les collaborateurs pourront être amenés à se déplacer; ou dans une salle « allongé » équipée de quelques fat boy, sorte de gros coussins permettant de s’étendre pour débattre plus confortablement.
- Un espace rationalisé mais pas déshumanisé
Pas de jusqu’au-boutisme cependant dans cette logique de mobilité. Chaque employé peut conserver un bureau personnel et s’isoler s’il le souhaite. « Tout le monde a besoin de garder un espace familier; d’arriver le matin et de retrouver son bureau, son fauteuil, sa tâche de café déposée la veille… Il ne faut pas déshumaniser l’espace de travail », explique Jérôme Malet.
Dans les nouveaux bureaux de la jeune entreprise du net, des chaises hautes de bar ont par ailleurs été installées le long du mur, où est fixé une table pour les employés souhaitant passer un coup de fil à l’écart ou tout simplement avoir un peu plus d’intimité.
Cette personnalisation de l’espace de travail est également de mise à l’échelle de l’entreprise. L’open-space doit aujourd’hui mieux s’adapter aux valeurs de l’entreprise et à ses propres besoins. »Beaucoup de nos employés étaient très frileux à l’idée de quitter le centre de Paris pour se retrouver à la Défense. Nous avons une équipe très jeune [28 ans en moyenne] au fonctionnement assez souple et l’image du quartier d’affaires broyeur de cadre ne collait pas vraiment avec celle de Groupon », se remémore Paul Choppin de Janvry. »Nous voulions des bureaux qui s’adaptent à Groupon, pas l’inverse ».
Dès son hall d’entrée flambant neuf, au 15ème étage de la tour CB21 de la Défense, la start-up annonce la couleur: deux grands baby-foots se dévoilent au visiteur. « Nous voulions susciter une véritable adhésion chez nos collaborateurs pour les nouveaux locaux…et ça a marché ! Les employés des autres bureaux de la tour s’arrêtent même chez nous pour visiter ! »s’exclame Paul Choppin de Janvry.