Lancer son entreprise n’a jamais été aussi facile. Mais la réalité du marché reste implacable
L’année dernière a été la deuxième pire année en ce qui concerne le nombre de faillites, avec 11.000 banqueroutes. Selon une enquête du Syndicat neutre pour indépendants menée auprès de curateurs, les germes de la faillite sont présents dès le début de l’entreprise, voire avant. Certaines erreurs initiales se paient cash. Autant pour le commerce du coin que dans la start-up technologique innovante.
Mathieu France et Davy Courteaux ont appris à leurs dépens que dans le secteur très « sexy » des applis web et mobiles, il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Ils ont accepté le difficile exercice de l’autocritique, à chaud. Leurs start-up respectives, Figibox et Foxi.be, ont tourné court il y a quelques jours. Dans le cas de François Van Uffelen, entre-temps fondateur et CEO d’une entreprise de logiciels en plein essor (lire ci-contre), l’analyse du plantage se fait avec 15 ans de recul. La plaie est donc cicatrisée, mais les leçons personnelles qu’il retire de l’explosion en plein décollage de Winbox, véritable cas d’école belge de l’hystérie des « dotcoms » (comme on disait à l’époque), restent tout à fait d’application pour les start-up aujourd’hui. Notamment les quelque 500 porteurs de projets, créateurs de start-up et passionnés de l’entrepreneuriat qui ont écouté ses sages paroles à l’occasion de la 7e édition de Mind&Market, à Louvain-la-Neuve jeudi dernier.
Car le plus grave pour tout entrepreneur n’est pas de se planter, mais bien de ne pas en tirer les leçons. Voici trois erreurs courantes.
Ne pas (ou mal) s’entourer. « La première chose que m’a dite Laurent Drion (cofondateur de la société d’investissement E-Merge, à l’origine de nombreuses «success stories» belges) avant d’investir dans Babelway, c’est «tu dois former un tandem. Trouve-toi un associé, avec un profil complémentaire au tien !» Et j’ai finalement débauché un ami (Mathieu Pasture), qui est toujours mon associé et directeur technique », explique François Van Uffelen.
Venant du monde la pub, Mathieu France est un entrepreneur créatif qui a 1.000 idées à la minute. Mais qu’il faut savoir canaliser. « Je travaille déjà un nouveau projet, qui tirera les leçons de Figibox, mais ce sera désormais avec un associé. »
Davy Courteaux, quant à lui, avait trouvé un associé pour Foxi.be, mais le tandem n’a pas résisté au contrecoup des premières désillusions. Les reproches ont succédé à l’enthousiasme du début. On ne reconnaît ses vrais amis que dans les épreuves, selon l’adage. Cela vaut aussi pour les associés, et même, selon François Van Uffelen, pour les premières embauches : « Pour construire l’équipe gagnante, cherchez d’abord des gens hypermotivés. Ensuite seulement, penchez-vous sur leurs compétences. Dans toute entreprise, il y a toujours des gens qui ont l’art d’être absents au moment où on a vraiment besoin d’eux. »
L’entrepreneur met également en garde contre l’entourage « externe », comprenez les consultants en tous genres : « N’engagez jamais un consultant en stratégie qui en est à sa première start-up, attendez qu’il ait connu au moins un échec, qu’il ait mis les mains dans le cambouis. De manière générale, ne laissez aucun consultant gérer votre boîte à votre place. »
Croire au miracle du marketing. Votre meilleur instrument de marketing, ce sont vos premiers clients, vos premières références concrètes, arrachées à la sueur de votre front. A défaut, sauf rares exceptions, investir dans de coûteuses campagnes marketing sera en pure perte. « La génération spontanée de clients, ça n’existe pas. Même si presque tout passe par Internet, le client veut savoir à qui il a affaire. On a naturellement tendance à sous-estimer le coût des ventes, souligne François Van Uffelen. Votre meilleur indicateur de performance, c’est le nombre de clients effectifs, et pas en test, qui utilisent votre produit ou service. Ne faites du marketing online que lorsque vous avez compris comment convertir un prospect en client actif une fois qu’il est sur votre site. Sinon, vous jetez l’argent par la fenêtre. »
Dans le cas de Foxi, Davy Courteaux a cru naïvement qu’une certaine notoriété médiatique suffirait à faire décoller un concept novateur et/ou à récolter les fonds qui auraient permis de faire de grosses campagnes de pub. Jamais sans doute, un jeune entrepreneur n’a autant participé à des concours et accélérateurs en tous genres : Starter RTBF, Nest’Up, NRJ Startup… « J’en ai trop fait, dépensé trop d’énergie à essayer de convaincre des investisseurs. On m’a trop vu. Tout le monde vous dit que votre service est génial, mais personne ne l’achète… On a atteint au mieux 7.000 utilisateurs réguliers sur Foxi. Il y a un écart énorme entre faire le buzz et vendre. »
Mais le produit répondait-il à un besoin ? Mathieu France ne s’épargne pas sur ce sujet : « On aurait dû d’abord valider localement notre application, avec un «proof of concept» plutôt que de vouloir d’emblée conquérir tout le pays. »
Faire trop compliqué. « L’application Figibox était très compliquée. On aurait mieux fait de démarrer avec quelque chose de très simple et de l’enrichir progressivement avec le feedback des utilisateurs », analyse Mathieu France.
Davy Courteaux reconnaît aussi qu’il a vu trop grand, avec cette difficulté supplémentaire qu’il n’avait pas un bas de laine lui permettant de voir venir pendant de longs mois. A un moment donné, il a bien dû gagner sa vie et donc délaisser le bébé pour des missions rémunératrices, notamment dans la communication, métier vers lequel il se réoriente. Le développement du produit s’en est fait inévitablement ressentir. François Van Uffelen conseille à toute jeune entreprise active dans les technologies de faire appel, fût-ce à temps partiel, à un ergonome capable d’optimiser la facilité d’utilisation du logiciel ou de l’application web. « Spécifiquement dans le monde des applis, la notion d’immédiateté est devenue cruciale. Les gens veulent quelque chose de simple, qui permet une interaction immédiate en quelques clics »,embraie Mathieu France.